Pol Fraiture était suivi et apprécié par de nombreux critiques d’art et gens de lettres qui commentaient l’évolution de son art, sa technique et sa philosophie et suivaient ses expositions en Belgique et dans le monde entier.
Citons entre autres André Malraux ainsi que les critiques d’art Paul Caso, Jacques Collard, Anita Nardon, Stéphane Rey, Alain Viray, Thérèse Urbain-Choffray, Georges Fabry, Rona Dobson, Rodolphe van Loo, Hein Steehouwer, S. Gianasso, Roger Patesson, Monique Priscille, André Aug.E.Ballmer, Eliane Borloz, Georges Giraudon, Roger Delneufcourt, Fernande Angel, Lydia Schoonbaert, qui écrivaient notamment dans les journaux et revues suivantes:
Le Soir, La Libre Belgique, L’Écho de la Bourse, la Dernière Heure, De Morgen, De Standaard, Het Laatste Nieuws, Pourquoi Pas ?, Actualités des Arts, The Bulletin, L’Économie, La Tribune de Genève, …
La critique, quelques extraits:
André MALRAUX, 1972 :
« Le visage jeune, humain, une vitalité expansive, débordante même; instinctif et raisonnable, passionné et réfléchi, terrestre et céleste, éprouvant le besoin d’irradier une bonté généreuse et d’affirmer sa personnalité dans le sens d’efforts, esthétiques, spirituels et moraux.
Voici quelques particularités que rassemble notre artiste, Pol Fraiture.
Extraordinairement ressemblante à sa personnalité : son œuvre, orientée vers l’illimité: chaque empreinte de couleur étant une marche vers les lueurs du superconscient et les antres de l’infraconscient, avec malgré tout le désir de relier le proche au lointain par
un graphisme nerveux, franchement exprimé.
Ses couleurs, vibrantes, audacieuses parfois, posées avec délicatesse et subtilité offrent aux yeux un éclat chatoyant très particulier, exprimant tantôt la sérénité, tantôt la crainte, mais toujours la pureté.
Pol Fraiture est capable d’offrir beaucoup, du grand, du passionné, de l’énergique, du vrai,
du beau enfin… »
» Pourquoi l’œuvre étonnante de Pol FRAITURE m’a-t-elle immédiatement accroché? Parce qu’elle offre ce paradoxe de rompre les habitudes de l’œil tout en renforçant ses pouvoirs (mais n’est-ce pas en violant nos sens que nous les aiguisons ?). Les impressionnistes révélaient la lumière EXTERIEURE en restaurant le rôle de la couleur. Il s’agit ici de l’inverse: il s’agit de rendre plus présente la lumière INTERNE, le potentiel lumineux enclos dans chaque couleur. Ceci ne serait que procédé de virtuose, si Fraiture s’arrêtait à la surface des choses. Mais fouillant le réel à l’aide de cet instrument de prospection, il nous montre qu’au-delà de l’apparente solidité des formes, la lumière est la seule réalité. Mais elle ne peut se manifester qu’en dialoguant avec l’Obscur. Nous sommes ici, en plein Tao… »
Jacques Collard
» Ses toiles, couvertes de petites touches puis gravées, sont comme éclairées de l’intérieur… Elles évoquent des profondeurs végétales ou célestes, où court un graphisme à la fois ferme et léger, qu’on ne découvre pas tout de suite, qui est l’expression élégante d’une pensée qui s’amuse à surprendre. On songe parfois à Turner ou aux rêveries hantées de certains romantiques allemands. Cela révèle un tempérament d’une grande fraîcheur… Un tel art sort des sentiers battus. Pol FRAITURE est un inspiré, au sens le plus pur du terme… Un tel art déroutera certains par son absence de références, Pol FRAITURE chemine seul, sans s’accrocher à d’autre appui que sa conviction et sa foi… On est transporté dans l’univers du Grand Meaulnes… C’est une affirmation qui apporte un air nouveau… »
Stéphane Rey
» Il y a, dans ses toiles, une certaine sorcellerie dont l’artiste tire des effets curieux et sensibles… »
Paul Caso
» Pol Fraiture : ne pas l’oublier
Pol Fraiture nous a quittés il y a déjà quelques années… Cet artiste peintre et animateur de galeries d’art se voulait un explorateur de la couleur, des rythmes et de l’âme. Il aimait volontiers parler » d’état de veille dans lequel le conscient se laisse solliciter par l’univers des sensations extérieures « . Et il disait : » ma peinture me fait pénétrer dans la profondeur de cette forêt de richesses insoupçonnées que sont les couleurs. Elles deviennent la véritable source des formes qui surgissent de mon Moi profond » Et effectivement, en regardant les tableaux nombreux qui couvrent les cimaises à la Galerie » L’Angle Aigu » (96, avenue Louise, Bruxelles), on se rend vraiment compte de l’importance qu’avaient les chromatismes souvent sourds et lourds d’anxiété psychologique pour Pol Fraiture. Les sujets, l’anecdote se trouvaient noyés, englobés dans la couleur et pourtant ils étaient parfaitement distincts puisque c’est dans une simple griffure de la matière qu’ils apparaissaient. En général, il s’agissait de paysages. Toute l’intemporalité de la vision confrontée à la réalité dans le siècle du sujet est ici source de télescopage psychique. Pol Fraiture, né à Ixelles en 1946 et décédé trop tôt, beaucoup trop tôt, en 1981, était dans la lignée des artistes luministes. (…) Art difficile d’accès pour qui ne dialogue pas en confidence du » paysage « , mais combien enrichissant pour ceux qui ont l’instinct de la vie intérieure. »
Alain Viray – La Dernière Heure, 1985
» L’Angle Aigu se consacre au souvenir de Pol Fraiture, disparu en1981, alors qu’il n’avait que 35 ans. Ce fut un petit prodige. Il participait à des concours de dessin dès l’âge de treize ans. Plus tard, ayant cherché toutes les voies possibles vers un art parfait, il tentera une approche de la lumière. Étonnant Pol Fraiture, dont les sujets sont incisés dans la couleur! La lumière, contrairement à tous les acquis, n’est pas extérieure, ni directe, ni rasante : elle » sort » littéralement de la toile par un merveilleux procédé pictural. Cette belle démarche, loin d’être sèche, tend à prouver que la quête de la lumière est bien la plus importante et que la lutte entre la nuit et le jour ne finira jamais. Malraux disait que son œuvre est orientée vers l’illimité. »
Anita Nardon – Arts Magazine, 1985
» POL FRAITURE, né en décembre 1946, a peint dès l’enfance. On l’a connu directeur de galerie, tour à tour enthousiaste et déçu, mais toujours travailleur et fidèle à sa vision très personnelle. Il est mort en pleine jeunesse il y a quelques années et l’exposition qui rassemble aujourd’hui ses œuvres a le caractère d’un hommage. Les toiles luministes de Pol Fraiture sont couvertes de petites touches nerveuses et appliquées. On les dirait éclairées de l’intérieur. Elles évoquent des profondeurs végétales (avec parfois une maison, un château, comme sortis d’un rêve), où court un graphisme ferme et léger, qu’on ne découvre pas tout de suite, mais qui est comme le fil conducteur d’une pensée qui se ramifie, se faufile, envahit des zones entières de l’œuvre. On pourrait comparer cette trace creusée dans la couleur à celle d’une petite bête qui cheminerait en soulevant de son nez pointu un fin sillon capricieux. Pol Fraiture » grave » donc ses toiles au fur et à mesure qu’il les peint. Cela fait dans la couleur fraîche des rameaux, des buissons, des fleurs, des feuillages… C’est à sa manière un » surimpressioniste » en creux. Le choix des tons est grave, avec quelque chose de mordoré et de vibrant. On songe parfois à Turner ou aux rêveries hantées de certains romantiques allemands. Un tel art, qui sort des sentiers battus et où, curieusement, l’homme ne trouve pas sa place, se recommande par sa passion contenue, sa volonté de renouvellement et le dépaysement total qu’il nous offre. Inspiré, au sens le plus pur du terme, Pol Fraiture n’a pas cessé d’être étrangement présent dans son œuvre.
(Galerie Angle Aigu, 96, avenue Louise. Jusqu’au 6 novembre.) »
Stéphane Rey – L’Écho de la Bourse, 1985
» A la Lorelei Pol Fraiture : Mémento Lumen-Numen ?
C’est un hypersensible, une âme d’écorché. Vite blessé par la vacherie de la vie. Lorsqu’il fut, pour un temps, directeur de galerie, qui donc savait qu’il peignait?
Nous avons salué sa première exposition le 5 octobre 1972. Une démarche apparemment sage mais, en fait, inédite malgré son flou encore indécis, s’affirmait en instance de dépassement. » Rapproche les lointains » disait René Huyghe dans son album.
Voici que la réponse arrive, en direction d’une poursuite – à travers la dilution des formes – de la lumière diffuse dans et sut les choses.
Comment vous expliquer ? Il y a bien sûr l’affirmation d’un lien NECESSAIRE avec la nature, confirmé d’ailleurs par son habitat rural. Mais l’homme, nous l’avions déjà constaté, restait en soi absent de cette démarche. Il l’est toujours. Pourquoi ? Parce qu’étant CELUI A QUI ON PARLE, il ne fallait pas nécessairement le représenter. On l’introduit autrement dans le tableau.
Une expérience que nous fîmes chez lui démontre ce qu’apporte le palier récent. Promenant lentement un flash sur la toile, nous constatons avec l’aide d’une musique de fond (celle qui a présidé à l’élaboration de l’œuvre) que chaque déplacement obscurcit des zones de la toile – l’orage et la nuit passant sur les choses – alors qu’elle en éclaire d’autres et que ce contraste ombre-lumière révèle un réalité « différente « .
Bien sûr, nos concernés de l’art dit » actuel » attendront qu’un trompion plus tonitruant que votre serviteur ait biennalisé la Chose pour la prendre au sérieux, toutes autres farces superactuelles, paraît-il, autant que supercoquentieuses (merci, Rostand, vieille branche !) étant démonétisées. Redevenons sérieux : cette réalité autre, dévoilée par la complicité du peintre et de » révélateurs » fait penser à un strip-tease d’un sublime niveau : la Réalité véritable de ce clocher, de cet arbre, de cette route ou de cette rivière étant DENONCEE comme une nudité derrière des vêtements ou, plus, une anatomie interne sous une radiographie.
Sont-ce uniquement les procédés mis en œuvre (la touche au couteau rappelant certaine » touche courte « ) qui me ramène à la mémoire le groupe LUMEN-NUMEN suscité en un autrefois pas tellement lointain, par Philippe d’Arschot et Serge Largot ? Au fait, qu’est-il devenu ? Trépassé, ou passé dans les sous-sols et œuvrant en silence comme toutes les choses profondes et VRAIMENT signifiantes ? Plus âgé d’une ou de deux décennies.
Pol Fraiture l’aurait peut-être rejoint ? »
Jacques Collard – Pourquoi Pas ? 1978
» Un côté fantasmagorique rappelle que nous sommes confrontés avec un artiste belge pour qui la réalité est toujours complice de la magie des choses et des êtres… Si les impressionnistes révèlent la lumière extérieure, Pol FRAITURE, lui, rend la lumière intérieure… Pol Fraiture détient le secret d’une alchimie nouvelle, faite d’une parfaite alliance entre l’acuité du geste et de l’esprit. Un patient et savant travail au couteau de ma matière lui permet d’obtenir dans chacun de ses tableaux des effets constamment changeants, selon l’éclairage ou la place de l’observateur. De sorte que toutes les heures du jour, mais aussi tous les états d’âmes se déroulent tour à tour sur ces paysages ciselés dans les entrailles de la lumière, dont on ne sait si l’on doit davantage admirer le luxe d’exécution, le souci de fidélité à la nature ou bien les plus secrètes transparences fantastiques. »
Roger Delneufcourt – Le Nouveau Journal, Paris, mars-avril 1980
» (…) Dès l’abord on est très frappé par la luminosité de ces toiles qui semblent éclairées de l’intérieur et faire appel au rêve. On ne découvre qu’ensuite, après la première impression causée par la beauté des coloris, qu’un monde caché se dévoile et laisse apparaître un dessin lumineux et plein de poésie. Cette œuvre remarquable sur tous les plans est un hymne à la sérénité. »
F. Angel – La Presse française, avril 1980
» On songe à la séduction des choses inexprimées… Pol FRAITURE ne paraît pas tout-à-fait de son temps. Il semble dépositaire d’une rêverie vieille comme le monde, celle des poètes… Très belle recherche d’atmosphère dans des coloris parfaitement choisis… »
Roger Patesson
» Les tableaux de Pol FRAITURE ont l’aspect d’un songe… il possède une technique très personnelle… Les gravures de cet artiste sont expressives, douloureuses et poétiques… »
Monique Priscille
» Pol Fraiture ou l’originalité d’une technique… Ce que l’on peut dégager de la peinture de Pol FRAITURE, ce sont sa délicatesse, sa finesse, ce contraste entre le flou et la précision de la lumière: poésie et sensibilité… de la lumière étudiée par le traitement du fond : poésie et sensibilité. »
Eliane Borloz – Le Courrier (Genève), déc. 1979
» Le rêve Les paysages de Pol Fraiture semblent émerger d’un univers qui se meut et se réveille lentement. Il emploie des couleurs patiemment superposées, la plupart du même ton, et elles se révèlent à l’examen d’une transparence un peu sculpturale. Il ressent une attirance que nous devons partager pour ces campagnes paisibles et stables, loin des villes sombres. »
Georges Giraudon – L’Economie, 2ème trimestre 1980
» Pol Fraiture et la lumière Pol Fraiture est un garçon courageux, passionné par l’art au point de lui avoir sacrifié (peut-être) jusqu’à sa santé. Ayant vécu l’expérience difficile de la direction d’une galerie d’art, aujourd’hui, il s’est réfugié dans la création pure. En tant que peintre, il a cherché, par le biais d’un néo-impressionnisme lumineux, à décanter les paysages en parvenant à illuminer le décor essentiel et en le faisant même plus ou moins s’ouvrir à l’œil suivant la tonalité d’un éclairage projeté. A la galerie » Lorelei » (3, place du Grand Sablon) s’est ainsi achevée une exposition intriguante dans son propos. La peinture » gravure » de Pol Fraiture fait ressortir d’une pâte aux mille éclats lourds et quelquefois ténébreux des projections poétiques figuratives sensibles. L’expérience » luministe » est intéressante, car, comme le dit Jacques Collard, si les impressionnistes révèlent la lumière extérieure, lui rend la lumière intérieure. »
Alain Viray – La Dernière Heure – Février 1978
» Pol Fraiture est un jeune artiste angoissé, toujours à vif. Depuis plusieurs années déjà nous suivons avec sympathie sa démarche esthétique. Nous le retrouvons à la galerie d’Egmont (11, square du Petit-Sablon) avec des huiles et pour la première fois une importante série de monotypes. Pol Fraiture qui » grave » dans la pâte un dessin précis et cependant atténué montre une évidente sensibilité et une authentique poésie dans les huiles. Le bon éclairage de la galerie permet de découvrir avec attention les subtilités » impressionnistes » de cet art qui pourtant est d’une véritable modernité. » Femme à Oudenaarde « , » Lieux saints « , » La Passerelle « , sont parmi les tableaux les plus attachants. Les monotypes nous permettent de leur côté de découvrir des visages plus expressionnistes et intrigants traités avec une aura mystérieuse. Les rythmes graphiques sont affirmés et quelquefois lorsque l’artiste utilise des gammes plus claires, les masses se décantent, offrant des points des points de force musclés qui permettent d’espérer l’exploration de nouvelles voies. »
Alain Viray – La Dernière Heure – Février 1975